02/03/1985 Camille CHOLLET - 2Lt John NEILL
Monsieur CHOLLET Camille
Le 2 Mars 1985
Monsieur BRIDEAU,
Je m'appelle Camille CHOLLET. Le 1er mai 1943, j'avais 17 ans et j' habitais à La Rabourgère (près de La Baconnière). J'ai vu le combat aérien, cela tirait de partout. J'étais à la ferme. Une balle a frappé un mur. Mon père et ma grand-mère étaient dehors, je leur ai dit de se mettre à l'abri, et juste à ce moment une autre balle explosive est passée entre nous trois. Puis il y a eut un bruit d'explosion. Nous sommes sortis et j’ai vu une aile tournoyer dans le ciel et des parachutes descendre.
Je me suis dirigé dans la direction où était tombé le parachutiste le plus proche. J'étais avec mon père, Pierre CHOLLET, et un cantonnier qui s'appelait Alphonse FERRE. Nous sommes partis tous les trois. En arrivant sur les lieux, il y avait déjà du monde car nous, nous étions à environ 1 km du point de chute. Il y avait bien 10 à 15 personnes sur place. Je ne me rappelle plus si l'Américain (John NEILL) était là où pas. Je n'ai vu que le parachute et tout le monde autour. Personne ne savait quoi faire du parachute. Moi, j'ai proposé de le brûler, d'autres voulaient le récupérer. Tous les trois, nous avons décidé de partir car il y avait trop de monde et beaucoup trop de piétinements. Alors qu’on faisait demi-tour, nous avons croisé un cycliste qui venait de PORNIC. Nous sommes arrivés à la maison où nous avons pris un verre avec le cantonnier. Le cantonnier parti, nous avons mangé en famille
L'après-midi, je suis parti avec mon père faire des clôtures, à mi-chemin entre la maison et le point de chute du parachutiste. Nous avons aperçu sur la route un car allemand avec deux sentinelles dessus. C’est alors que nous avons rencontré Léon MERCIER et Joseph EVIN. Léon MERCIER appelait son fils Claude. Nous lui avons demandé où était Claude et ils ont répondu : "Il est dans le champ de genêts avec l'Américain (John NEILL)". Nous sommes allés voir et effectivement nous les avons trouvés tous les deux. Claude avait un dictionnaire Français-Anglais. L'Américain nous a fait voir une carte en mouchoir, et après que nous lui ayons dit où il était, il nous a fait comprendre qu'il n'était pas prêt d'être rendu chez lui. Nous sommes restés quelques instants tous les six. Puis nous sommes repartis travailler car le car allemand n'était pas très rassurant.
Pendant que nous étions à travailler, les Allemands patrouillaient et étaient passé à la maison pour voir s’il s’y passait quelque chose d’anormal, mais nous ne l’avons appris qu’à notre retour. Nous avons appris aussi qu’ils avaient pris des otages. Heureusement que nous n'étions pas à la maison. Nous avons mangé, c'était le soir. Mon père m'a proposé de boire un verre avant de se coucher. Comme il y avait une sorte de couvre-feu, il ne fallait pas que la lumière intérieure des maisons se voit de l'extérieur. Le soir, les ouvertures des maisons étaient alors camouflées soit par des volets ou autre chose. J'ai ouvert la porte pour aller à la cave, la lumière a donc jailli à l'extérieur un instant, avant que je ne referme la porte. J'ai entendu marcher dans la cour, je me suis alors arrêté pour écouter, mais je n'entendais plus rien.
Il ne se passa plus rien ce samedi soir. Le dimanche matin, la maison était cernée par les Allemands qui ont perquisitionné mais n'ont rien trouvé. Cependant, ils ont dit qu'un Américain (John NEILL) était passé dans la cour car il y avait des traces de pas dans la boue (il avait plu dans la nuit). Le midi nous avons eu la visite de la "Feldgendarmerie" avec le chef WOLF et un civil, celui que nous avions croisé la veille en vélo sur la route de PORNIC. L'Allemand demanda au civil si c'était les trois personnes qu'il avait croisées la veille sur la route. Le civil a répondu "Non", puis ils sont tous repartis.
J'ajoute un détail mais je ne suis pas sûr et ne peux donc le confirmer. Il y avait une minoterie à La Trocharderie où les gens venaient le soir avec une charrette pour moudre du blé. Lorsqu'ils étaient en fraude, ils camouflaient "la marchandise" avec du foin ou autre chose. Il se peut donc que l'Américain (John NEILL) ait pris l'une de ces charrettes. On m'a dit également que ce serait Michel MAILLARD de La Sévrie qui aurait apporté à manger à l'Américain (ce monsieur est décédé).
C'est tout ce que je peux dire pour l'instant sur cet évènement.
Camille CHOLLET
Nota: c’est Joseph EVIN qui a trouvé par hasard le parachute de John NEILL qui était caché dans une haie. Je l’ai découvert de nombreuses années après ce témoignage. René BRIDEAU.